Pour ce quatrième rendez-vous du concours de la correspondance, il est temps de mettre en lumière les membres du jury. Trois personnalités se pencheront sur les missives réceptionnées. Monique Séverin, Bernard Sorbier et Rebecca Maillot vont en sélectionner quelques-unes avant de les soumettre à Nicolas Pagnol, gardien de la mémoire de son grand-père Marcel Pagnol.
Cette semaine, rencontre avec Monique Séverin : professeur de lettres à la retraite, écrivaine, fortement impliquée dans la question de la langue créole, elle a co-rédigé avec Alain Armand le premier dictionnaire kréol rénioné /français. Elle a accepté de répondre à des questions que peuvent se poser les amateurs à ce concours.
Pagnol rime avec Créole, comment auriez-vous écrit une lettre à Marcel Pagnol avant sa venue dans l’île ?
Marcel Pagnol, ce Provençal devenu Académicien, reconnu au-delà de son pays, avait un lien privilégié avec sa langue régionale à l’accent méridional. Il évoluait dans un univers double tout comme nous : une langue régionale et la langue française. C’est le même lien que nous entretenons avec le créole, à la différence près que ce dernier continue à être massivement utilisé, dans des domaines de plus en plus larges. De ce rapport psycho-affectif, Marcel Pagnol a fait une force à travers ses ouvrages, ses scénarios. Petite fille, je ne parlais pas créole. Mes parents ont longtemps vécu « dehors » avant de regagner leur île natale. Lorsque je les interrogeais à propos du parler créole, ils me répondaient de façon évasive… C’est à l’Université de La Réunion que je me suis pleinement réapproprié le créole.
Est-il nécessaire de passer par l’écrit. L’oralité ne suffit pas à cette (ré)appropriation ?
Le créole réunionnais a pour ainsi dire l’âge de ses locuteurs. Plus de trois siècles, donc ! Au point de vue de la maturité langagière, de l’oral, je dirais que nous sommes au point. La question de l’écrit se pose, comme elle s’est posée pour la langue française : pour ne pas la perdre, il s’agit de laisser des « « traces » de la langue sans pour autant la figer. La langue créole est vivante, chaque mot repose sur une chose, un concept : plus notre monde se complexifie plus nous avons besoin de mots. En matière graphique, la tendance va dans le sens d’une graphie phonétique. L’étymologique, rattachée au français, est plus complexe.
C’est à François 1er que nous devons la langue française d’aujourd’hui à travers L’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Il a su l’imposer officiellement au sein de son administration royale et juridique face à pléthore de langues qui existaient à l’époque : le latin, la langue romane ou le vieux français… Cette décision politique a impulsé le français que nous pratiquons aujourd’hui.
Quelques conseils à nos amateurs d’écriture
Tout peut se penser, se dire, en créole, en français et, à condition de bien maîtriser l’un et l’autre, on peut inventer sa propre langue d’écriture. Il faut se lâcher face à la page blanche, un remarquable espace de liberté. Laisser venir son imagination, décrire des situations spécifiquement réunionnaises, faire preuve de créativité mais aussi d’exigence. En bref, transgressez, inventez, soyez audacieux !
Le principe du concours ne change pas !
« Les mots qui ont un son noble contiennent toujours de belles images » écrivait Marcel Pagnol. Il y a cinquante ans, l’académicien français s’en est allé sous d’autres cieux. Là où il est, il imagine une nouvelle pièce de théâtre mêlant Provençaux et Réunionnais. Avant de se lancer dans la rédaction des tirades, dialogues et autres répliques, il envisage de faire un séjour dans l’île. Marcel Pagnol est pressé de découvrir l’âme réunionnaise, ses us et coutumes ainsi que l’accent unique du créole.
Et si vous lui écriviez une lettre avant son arrivée ? Vous commencerez par :
Monsieur Pagnol,
Ici dans notre île, les mots et l’accent créoles sont pareils à ses habitants …
Chaque semaine nous vous proposerons de découvrir toutes les facettes, les conseils de ce concours.
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